17/11/2020
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La Fnaim perd son combat contre PAP
Le 2 novembre, le tribunal de commerce de Paris déboutait la Fnaim de toutes ses demandes, notamment 800 000 euros de dommages et intérêts, dans l’affaire l’opposant au site d’annonces De Particulier à Particulier (PAP) à qui elle reprochait « l’exercice illicite de l’activité d’agent immobilier » et le « dénigrement de la profession ».
L’affaire avait démarré le 17 janvier 2019 avec l’interview, sur Franceinfo, de la présidente de PAP, Corinne Jolly, venue détailler son offre commerciale « Mieux qu’une agence », rebaptisée depuis « Coach’Immo », service de conseil aux annonceurs-vendeurs comprenant l’aide à l’estimation du prix du logement, des prises de vue professionnelles, une visite virtuelle en ligne, le filtrage des contacts inopportuns et une assistance juridique. Le tout était proposé, argumentait-elle, à un prix (690 euros) « 17 fois inférieur à celui des commissions d’agences que les particuliers jugent exorbitantes ». L’entretien se concluait par la question du journaliste, Jean Leymarie : « C’est une manière de relancer la bataille ? Vous voulez la mort des agences ? » et la présidente de PAP de répondre, en riant : « Au prix où elles sont aujourd’hui, oui. C’est trop cher. »
« Surpris de cette décision »
Dans leur décision du 2 novembre, les magistrats remarquent d’abord que la Fnaim n’est pas directement désignée et estiment qu’« une telle interview, en direct, donc nécessairement spontanée, faisant intervenir un journaliste qui, manifestement, recherchait la formule-choc (…) ne dépasse pas les limites usuelles de la promotion d’un modèle économique compétitif. » Selon eux, « il n’est pas condamnable, par exemple, de prétendre que l’on est beaucoup moins cher que son concurrent » ni de défendre chacun son modèle économique : « Chaque acteur communique en valorisant ses propres avantages mais aussi les inconvénients de la formule adverse. »
Les magistrats rappellent, enfin, que la publication d’annonces n’entre pas dans le champ de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 qui régit l’activité d’intermédiation immobilière. « Nous avons été très surpris de cette décision et nous faisons appel », explique Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim, qui remarque que « PAP est mis en cause pour dénigrement pour la troisième fois ». « Exact, mais ça date, rétorque Mme Jolly. La Fnaim nous a attaqués une première fois en 1992 et a été déboutée, une deuxième fois en 2000, où le dénigrement a été jugé réciproque. »
La Fnaim du Grand Paris avait également attaqué, toujours pour dénigrement mais aussi concurrence déloyale et exercice illégal du métier de syndic de copropriété, la start-up Matera qui propose, elle, une aide aux syndics bénévoles. Etait visée la campagne d’affichage de Matera, avec l’accroche « Merci syndic », déclinant l’inertie supposée de ces professionnels face aux fuites d’eau, aux pannes d’ascenseur ou de chauffage, servant le slogan « Remerciez votre syndic pour de bon, votez Matera à la prochaine AG ». Le tribunal de commerce de Paris a, en référé, le 4 novembre, débouté la Fnaim du Grand Paris, ainsi que Foncia, le plus gros syndic de France, qui s’était associé à la démarche.
Pour Raphaël Di Meglio, fondateur de Matera, qui compte déjà une centaine de salariés et 50 000 copropriétaires adhérents, « ce qui est agaçant, c’est que la Fnaim se prévaut de ses assignations comme argument commercial pour contester notre légitimité. Il y a, dans ces métiers, un problème de corporatisme et d’acceptation de l’innovation », diagnostique-t-il, non sans rappeler que « Foncia a, un temps, souhaité entrer au capital de Matera ». Deux procédures sur le fond, contre Matera, sont en attente, l’une devant le tribunal de commerce, l’autre devant le tribunal judiciaire, lancées par la Fnaim, Foncia et deux autres syndicats professionnels, SNPI et UNIS.
Face aux notaires, la Fnaim avait déjà, le 10 juillet 2020, essuyé un revers, les magistrats lui enjoignant de démonter ses écussons dorés entretenant la confusion avec celui des notaires. La Fnaim a, là encore, interjeté appel.
Consulter ici l'article publié par Le Monde le 17 novembre 2020